WILLIAM SPENCER mélange le parkour et skateboard (Interview)

WILLIAM SPENCER

WILLIAM SPENCER mélange le parkour et skateboard (Interview)

 

Peux-tu te présenter ?

WILLIAM SPENCER : Salut, c’est moi, Wiliam Spencer 😉

Quand as-tu commencé le skateboard ?

WILLIAM SPENCER : Mon grand-frère était un as du skateboard. Du coup, j’ai aussi skaté pendant quelques années, dès que j’ai eu 9 ans. J’ai arrêté un moment puis je m’y suis remis à la toute fin du lycée. Entre temps, j’ai quand même continué à m’entraîner à faire des flips dans les bois autour de ma maison puis aussi sur notre trampoline. Puis j’ai aussi fait des arts martiaux quand j’avais 10-14 ans, j’ai même été ceinture noire à l’époque !

Parle-nous un peu de ton projet le plus récent

WILLIAM SPENCER : Block Attack est un mini court-métrage inspiré des années 80 à propos d’un jeu vidéo qui n’existe pas. Pour faire simple, c’est un peu comme si Tetris rencontrait Mario Brothers et qu’on y injectait en plus, une touche de « Frogger ».

Le film raconte l’histoire d’un créateur de jeu vidéo. Un vendredi soir, son patron lui refile un projet de jeu. En fait, le jeu a été bâclé et son patron veut qu’il corrige les bugs d’ici le lundi. Il passe alors tout son week-end à travailler sur ce jeu et une fois qu’il l’a débuggé, il se met à le redesigner et du même coup, le révolutionne.

En ce sens, le film rend hommage à ce gars qui créa ce jeu, qui mit les mains dans le cambouis et raconte les transformations qu’il y apporta pour faire du jeu ennuyant « Blocks » un jeu hit en couleurs, « Block Attack ».

Comment t’est venue l’idée de ce film ?

WILLIAM SPENCER : Je suis tombé sur un truc en ligne qui s’appelait Mario Bros Parkour mais en fait, c’était juste des gars qui faisaient du parkour dans des costumes de Mario Bros. Du coup, j’ai eu envie d’aller au bout du truc et de créer un jeu vidéo avec les moyens que j’avais (avec des déplacements de peu d’ampleur donc). J’ai regardé beaucoup de vidéos de Damian Walters et il fait beaucoup de choses très impressionnantes à la manière de Jackie Chan, des mouvements qui traduisent une véritable complexité et une véritable intelligence. Et ce Damian Walters, son génie, c’est de faire ça en gymnase et d’atterrir sur des matelas, pas sur du béton. Alors que j’ai passé ma vie à skater sans protections, j’ai trouvé ça génial ! J’ai voulu saisir la dimension divertissement de super-humain qu’avait Damian Walters . C’est le même truc que dans les jeux vidéos, quand le personnage peut sauter plus haut et plus loin que vous ne le pourrez jamais dans la vraie vie.

Aussi, l’idée est partie de ces choses puis j’ai voulu y ajouter des aspect de skateboard comme quand vous attrapez quelque chose en mouvement ou fuyant, le skateboard n’étant jamais immobile. Du coup, ces éléments sont devenus les plateformes, les blocs de mon jeu. C’est donc du parkour sur des éléments qui sont en mouvement, c’était pour moi la prochaine étape et celle qui, je pensais, allait m’amener plus loin encore.

Est-ce que tu vas faire d’autres films ?

WILLIAM SPENCER : Je pense que je vais réaliser d’autres courts métrages impliquant le mouvement. Jusqu’où j’irai dépend bien sûr de l’accueil qu’ils recevront du public. Pour moi, « Block Attack », c’est un peu comme un guide pratique de ce que vous devriez faire pour développer un certain type de mouvement.

Je suis certain que si les gens se rendaient compte du travail et des difficultés que j’ai rencontrées pour le créer, ils lui accorderaient plus de respect mais il y a toujours cette zone étrange … quand les gens trouvent le truc cool mais qu’ils n’en réalisent pas vraiment les subtilités. Il y a la façon dont c’est perçu, puis la façon donc ça a été réalisé mais parfois, c’est difficile de transmettre tout le travail que ça a nécessité. Si je vais faire des films qui vont plus loin encore dans les subtilités du mouvement ? Tout dépendra de la manière que je trouverai pour traduire ce travail.

Quelles sont les sensations que tu aimes dans le skateboard ? 

WILLIAM SPENCER : La sensation que je préfère dans la pratique du skateboad, c’est, pour moi, d’avoir l’impression d’être une île en mouvement. Quand tu es sur ton skate, tu as tout de suite l’impression d’être dans ta propre aventure. Quand tu marches dans la rue, tu sais que tu ne vas pas tomber. Ton harmonie avec l’environnement et ton habitude font que tu es sûr de toi et que tu n’as pas peur. Mais, dès lors que tu montes sur un skateboard, tout ça change, tout est en dehors du cadre habituel et tout peut arriver. En skateboard, c’est très rare de faire quelque chose à la perfection ou tout au moins correctement et d’ensuite replaquer mais le feeling que tu en tires quand ça marche est inestimable. J’ai l’impression de contrôler quelque chose d’incontrôlable.

Quelles sont les sensation que tu aimes dans le parkour ? 

WILLIAM SPENCER : Pour moi, le feeling le plus cool dans le parkour, c’est quand tu es, ne serait-ce qu’un peu (même de loin) constant, tu peux avoir la même sensation que ces singes dans les zoos qui se baladent de branche en branche ou font des bons énormes. Ils ne semblent pas effrayés. Au contraire, ils ont l’air cool et de s’amuser. Comment ne pas aimer ça ?

Pour moi, le parkour c’est le sentiment d’être plus cloué au sol où je me sens plus comme un singe ou un animal : plus en contrôle mais en appréciant aussi beaucoup, sans crainte …

Quelles sont les sensations que tu aimes quand tu combines les deux ? 

WILLIAM SPENCER : Ca été une progression naturelle de moi-même, de ma pratique du skateboard et des choses que j’aime faire. J’ai beaucoup appris de mon père qui maîtrisait tellement de choses qu’il pouvait faire ce qu’il voulait, comme s’il était un couteau suisse, je n’avais pas réalisé qu’on devrait se fixer des limites.

J’ai commencé le skate parce que je sentais que j’en avais envie, pour m’exprimer. Dans les 5 premières années où j’ai skaté et fait des vidéos, je ne savais pas que le parkour existait. Jusqu’à ce que des gens viennent et me disent « Oh, tu mélanges le parkour et le skate ! » et que je me mette à l’imaginer sous cet angle.

J’aime le contraste entre ces deux sensations et le mélange ultime des deux pratiques. Je me sens en contrôle total et tout à la fois, complètement hors contrôle, et la pratique des deux forment un mélange dont je n’arrive pas à me lasser.

Chaque pratique rend l’autre plus difficile. Du coup, j’ai fait de ma quête éternelle de ne jamais m’ennuyer et de toujours inventer de nouvelles choses. De garder cet esprit enfantin, quand vous êtes un enfant, tout est toujours nouveau. Si vous vous attachez à toujours combiner deux pratiques que vous pensez déjà connaître ou à les mixer à d’autres choses, alors vous aurez ce sentiment d’être toujours en évolution et de toujours vous sentir mieux. Vous devez saisir les différences entre les deux pratiques et ce qui les oppose. Ensuite, vous en faites une sorte de mix jusqu’à ce que vous obteniez quelque chose de beau.

Avec qui t’entraînais-tu ? 

WILLIAM SPENCER : Quand j’étais gamin à l’école primaire, j’avais l’habitude de grimper tout en haut des aires de jeu, d’avoir des problèmes, aussi, alors que je marchais hors des rails ou que je me baladais de haut en bas sur des choses vraiment hautes … du coup, je pense que c’est inné, j’ai toujours fait ça.

Quand vous regardez mes premières vidéos de skateboard comme Hollorado & Burning Daylight, je n’avais aucune idée de ce qu’était le parkour. Aussi dans ces vidéos, vous me voyez me dépasser et me crier dessus parce que je suis en train d’expérimenter ou de me tester pour savoir si je peux faire ces choses et vivre.

A l ‘époque, j’ai rencontré mes amis Daniel Ilbaca, Tim Sheiff, Paul Darnell, James Kingston, Scott Bass, Phil Doyle et tous ces gars que j’ai rencontrés m’ont dit « yeah, tu fais du parkour » et moi de répondre « mais de quoi tu parles » ? A force, j’ai cédé et me suis dit : « Ok, si je fais ça et que d’autres le font aussi, alors quelles compétences ont-ils et que je rate à ne pas pratiquer comme eux ? » Du coup, j’ai commencé à m’entraîner avec Daniel et Phil. J’ai voyagé avec Daniel qui donnait beaucoup de cours de parkour. Après un été en Europe avec lui, j’étais capable de bosser des trucs que je connaissais déjà pour rester au top et aussi de nouveaux tricks parce qu’ils me paraissaient dingues. L’un des meilleurs trucs que j’ai appris sur Daniel, c’est que tout ce qu’il faisait d’impressionnant, il le réussissait à tous les coups et il pouvait le faire quand il voulait, alors qu’un tas de cascadeurs que j’ai rencontré à Hollywood, quand bien même ils soient très conscients des dangers et des règles de sécurité (parce qu’ils veulent avoir de longues carrières), aucun d’entre eux n’étaient aussi à l’aise sur le béton que dans un gymnase.

J’ai été très impressionné par Daniel. Il était super bon et super à l’aise à la fois. Il n’avait pas besoin de retenir sa respiration ni de fermer les yeux, il avait l’air d’un gars qui prenait vraiment son pied en faisant du parkour. Et ce que j’aimais avec Daniel, c’est qu’il ne le faisait pas pour m’impressionner, il le faisait parce qu’il « kiffait », et c’est toujours dans ce même état d’esprit que j’ai fait du skate. Ces expériences m’ont montré une logique complètement différente, un niveau de fluidité supérieur entre tout, et c’est ce qui m’a poussé à réaliser que vous n’avez pas besoin d’être casse-cou pour faire ces choses (bien que ça puisse se révéler utile) mais que vous pouvez développer une régularité dans ce que vous faîtes de sorte que tout devient agile et non plus facteur de risque. Tu peux être si bien entraîné, que pendant que les autres s’arrachent à se dépasser, pour toi c’est un jour comme les autres où tu prends du plaisir, parce que tu as suivi toutes les étapes qu’ils ont sautées en essayant un trick seulement une fois de temps en temps pour s’impressionner.

Skateboarder, cascadeur, doublure de cascadeur : quels sont les défis ? 

WILLIAM SPENCER : Habituellement, je dois faire des choses qui sont, soit des figures difficiles à réaliser, soit des situations que je ne connais pas, soit me retrouver dans un costume dans lequel je ne me suis jamais entraîné et ça m’ajoute une contrainte avant même que je fasse quoi que ce soit. Leurs attentes, c’est : « vous êtes tellement bon que vous pouvez tout faire »  alors « ajoutons -vous une charge de 50 livres et un sac à dos ! ». Le plus dur c’est de se retrouver dans ces situations de dernière minute. Peu importe ce que tu as prévu ou ton entraînement avec le coordinateur de cascade ou encore le fait d’avoir discuté de la façon dont devrait se dérouler la cascade : tous ces dangers en plus semblent toujours se pointer à 4h du mat’, quand tout le reste est dans la boîte et que je suis déjà claqué. Il me demandent un truc qui m’impressionne tellement que je ne l’ai jamais fait dans la vraie vie, et il espèrent que je puisse le faire là tout de suite en 2 ou 3 essais.

Quel est ton prochain projet ? 

WILLIAM SPENCER : Redbull vient tout juste de sortir un mini-documentaire sur moi. C’est le premier épisode d’une de leurs nouvelles séries, « Out of Frame » (« Hors Cadre »). J’apparais aussi dans un court-métrage, « Two Bellmen » pour Marriot International et je suis en train de terminer un film pour Fiat, film que j’ai co-réliasé et dans lequel je performe également ; il sera posté sur la chaîne Youtube SOH très prochainement. Bien sûr, je travaille également sur des projets de skate et puis espérons que je travaillerai sur de nouveaux projets de films et sur plein de nouvelles aventures.

Quelque chose à ajouter ? 

WILLIAM SPENCER : Ce que j’aime dans la culture française, c’est cette attention portée au détail, c’est ce que je saisis intrinsèquement et que j’apprécie, même les questions de cette interview (comment ressentez-vous ceci versus comment ressentez-vous ça). J’apprécie parce que ça n’est pas américanisé. En Amérique, c’est plutôt « dis-moi ce qui est chouette, va droit au but, donne-moi la réponse pré-mâchée que j’ai envie d’entendre que je puisse me barrer». En France, j’ai l’impression que les gens prennent plus de temps pour s’exprimer et que, de fait, la plupart des choses recouvrent un aspect artistique. De mon point de vue, ça se passe comme ça. J’ai l’impression qu’il y a un véritable intérêt pour l’art et que les gens sont payés pour être des artistes et qu’ils sont reconnus comme tels. En Amérique, vous êtes payés pour être un artiste mais vous n’êtes pas reconnus comme tel. Les gens ne vous font pas confiance pour vous laisser faire votre truc, ils vous jugent sur ce que vous avez déjà fait, vont vous mettre sur scène et vous pouvez être sûr qu’ils vont vous expliquer alors comment faire ce que vous avez déjà fait. J’ai beaucoup apprécié cette entreprise française de costumes pour laquelle j’ai travaillé sur une vidéo (Beau par Askel Paris) parce qu’ils m’ont simplement dit : « Fais TON truc dans NOTRE costume ». Et là, j’ai dit, « super, mais on tourne quoi ? ? ». En fait, ils avaient une idée mais ensuite ils m’ont fait confiance, laisser être moi et peaufiner leur idée. C’est ce que j’aime dans la culture française et de mon ressenti, c’est ce que la culture française attend des artistes et c’est ce pour quoi elle les paie. Elle ne les paie pas pour leur dire ce qu’ils doivent faire, c’est vraiment cool.

 

Page fb de WILLIAM SPENCER : https://www.facebook.com/iwilliamspencer

Site de WILLIAM SPENCER : http://www.iwilliamspencer.com