DJ REBEL DU “SOUL SWING” A “MERLICH MERLICH”

DJ REBEL

DJ REBEL est l’une des légendes du Hip Hop marseillais avec IAM, La F.F, 3ème œil. Membre fondateur du Soul Swing N’Radikal, animateur du « Rebel Show » sur Radio Gazelle et « Tempo Rebel » sur Radio Grenouille de 1991 à 2008, il collabore sur de nombreux projets musicaux et cinématographiques et nous parle de sa participation au film « Merlich Merlich ».

Qui es-tu ? Peux-tu nous raconter ton parcours?

Bonjour à tous, on m’appelle tonton DJ Rebel, j’ai grandi dans le 15ème arrondissement à la Cabucelle, en face de la raffinerie de sucre dans les Quartiers Nord de Marseille, en essayant de survivre dans des conditions économiques inexistantes quoi. C’était pas une “vie facile”, je vivais seul avec ma sœur et occasionnellement en présence de mon père… ça a été compliqué l’enfance.

Tes premiers pas dans la musique?

Je suis devenu DJ le jour où l’on regardait l’émission de Drucker “Champs Elysées” en 1984, il avait annoncé un live de Herbie Hancock “Rock it “ pour les MTV Awards et là je me suis pris une gifle. Un mec habillé en cosmonaute avec des antennes, deux platines et le mec faisait du Scratch, j’hallucine quoi! Il y avait avec lui Grand Master DST qui était le DJ sur le morceau “Rock it”. Je me suis dit “je veux faire ça”! Ce “Fresh” ça m’a sorti de ce que j’avais l’habitude de voir.

A cette époque, j’écoutais beaucoup de radios et je rencontre Philippe Subrini de Radio Sprint en centre ville dans les locaux du Journal la Marseillaise, dans les années 80, avec une programmation exclusivement afro-américaine, Un jour, je l’appelle, il m’invite le week-end suivant dans les studios.

Philippe allait devenir mon mentor dans l’émission “Vibration”.

Herbie Hancock

 

A partir de ce moment là, je n’ai plus quitté les ondes, j’étais là tous les weekends. C’est là où j’ai rencontré Philippe Fragione qui allait devenir AKH (Akhenaton), qui a débarqué dans les studios, fin 85. J’ai démarré à mixer sur des platines MK2 lors d’un mariage à la Cité des Lauriers dans le 15ème. Un ami antillais, Philippe, faisait des mariages communautaires, sénégalais, comoriens, algériens, marocains dans lesquels j’étais invité régulièrement à mixer des morceaux de Funk. Le rap n’était pas forcément toléré à cette époque, mis à part quelques titres comme Grand Master Flash “The Message” ou “White lines” ou les Sugar Hill Records.

Dj Rebel avec Evelyne Champagne King à l’émission “Tempo Rebel”

Tu animais des émissions radio?

Je faisais la technique, je rangeais les disques, je bavais sur les vinyles de Subrini. Il était en contact direct avec New York, des exclus énormes même pas importées en France. J’avais 18, 19 ans. J’étais comme un fou! J’ai mis des années à les acheter et puis je kiffais l’ambiance. C’est là où on s’est tous rencontrés un petit peu, le noyau dur fondateur du Hip Hop marseillais. IAM, Art No, Soul Swing etc. Nous avons été aidés, supportés par des fans, des amis, des copains qui ont fait qu’on a tenu le guidon pendant des années. Grandissant dans les Quartiers Nord, fréquentant des personnes venants de Plan-de-Cuques (je parle d’AKH et de son entourage) j’étais un peu largué en Centre Ville.

DJ Rebel, José, Richard, Philippe Fragione, Alain et Philippe Subrini à Radio Sprint (Archives Philippe SUBRINI/MUCEM)

Dès que des personnes des Quartiers nord ont opéré dans le Hip Hop, je me suis naturellement rapproché d’eux. Par l’intermédiaire de Subrini, je rencontre les danseurs avec qui ont a formé les MCB : Marseille City Breakers qui allaient participé à l’émission phare de TF1 “H.I.P H.O.P” de Sidney, moi j’étais leur DJ Cassette ! (rires)

Ils s’entraînaient sur l’émission “Vibration”.

Comment gagnais tu ta vie à cette époque?

Il a fallu que je me débrouille pour payer mon appartement, pour ne pas être expulsé quand mon père n’était pas là et ça durait des mois, donc à un moment donné, t’as 18, 19 ans, tu dois nourrir toi, ta petite sœur, bah tu te débrouilles comme tu peux.

La rencontre avec la musique et Philippe Subrini m’a permis de sortir de tout ça…

Tu fréquentais les soirées Hip Hop du centre ville de Marseille?

Ouai y’avais pas mal de chose au Cours Julien, y’avait aussi du côté de la gare d’Arenc, une salle de mariage, à l’entrée des Quartiers Nord, y’avait des ambiances coupes gorges, où les mecs des Quartiers Nord venaient s’y retrouver. C’était occasionnel.

A Saint Lazare, pas loin de la Belle de mai, là où se trouve actuellement l’hôtel Tokyo en face de l’église, y’avait une ruelle où on trouvait “les 13 escaliers”, c’était une salle où il y avait des membres actifs des Baffalos (Grand Jack) qui organisaient des soirées ou des après-midis, des “booms” le samedi là-bas. Après les premiers lives avec IAMSoul Swing etc. c’était à la MJC de la Corderie vers 87. C’était même pas IAM d’ailleurs, mais les B-Boys Stence, invités par les Massilia Sound System, mais aussi à Bonneveine.

 DJ Rebel avec le groupe IAM en Suisse

Comment as-tu intégré le groupe Soul Wing & Radical?

Le groupe est né en 89, une année après IAM. On traînait tous ensemble en Centre Ville, on était tous potos. Avec le petit frère de Shurik’nFaf Larage et Def Bond qui voulaient, dans un esprit de compétition, rivaliser avec eux, on a donc voulu créer ce groupe là. Faf et Def sont venus me voir et m’ont dit “bon écoute, on sait que tu achètes des disques aussi, Kheops est pris par IAM, est-ce que tu veux pas devenir notre DJ?” “Ecoutez les gars oui !”

Soul Swing  (Photo Alphonse Alt)

C’était sympa, c’était gentil. Def Bond, Shurik’n et Faf la rage venaient du secteur de Eyguières, c’était des gamins, y’avait pas d’ambition professionnelle là-dedans.

K. Rhyme le roi et Flave étaient, quant à eux, les danseurs du groupe.

On ne savait qu’une chose, c’est qu’on voulait avoir une meilleure vie. Moi je voulais quitter le quartier, partager mon amour du Hip Hop, la culture dans laquelle je suis tombée “Peace, having fun and unity”. Ensuite, quelques mois plus tard, on a rencontré DJ Majestic qui allait devenir notre deuxième DJ. C’est comme ça qu’on est devenu le premier groupe de Hip Hop français composé de deux DJ, c’était inédit. On était un peu plus hardcore et virulent sur scène et dans les textes. La plupart des textes du Soul Swing racontaient un petit peu ma vie de cette période là, quand j’essayais de survivre dans les quartiers Nord. Eux n’avaient jamais vécu ces histoires là, ils la vivaient à travers mes récits.

Vos premières apparitions discographiques sont sur les deux premiers albums d’IAM  “De la planète Mars” et “Ombres et Lumières”, tu peux nous raconter cette aventure?

Depuis la création d’IAM jusqu’à ce qu’on décide de se désolidariser du groupe en 98, pendant dix ans on a été les porte-drapeaux du rap marseillais dans sa totalité.

Soul Swing a fait toutes les premières parties d’IAM pendant dix ans dans toute la France, en Suisse etc. On voulait sortir notre album nous aussi. On a été sollicités par quelques labels parisiens, mais au final on a du produire tout seul notre premier album car les labels ne voulaient qu’un seul groupe de rap dans le Sud. Comme IAM ne voulait plus nous produire, on a décidé de l’autoproduire. Nous, en s’en foutait un peu de la médiatisation d’IAM. On s’estimait meilleurs qu’eux, plus underground. (Sourire)

 Soul Swing (photo Jean Pierre Maero)

Comment s’est produit l’album de Soul Swing?

K. Rhyme le roi, qui était un de nos danseurs, a décidé de participer à la production de l’EP “Le retour de l’âme soul” en partenariat avec “les Affranchis”: Freeman et Kephren les deux danseurs d’IAM. Ce sont d’ailleurs les déçus, comme nous, qui ont sorti l’argent de leur poche pour produire l’EP. On avait une petite boîte de distribution à Paris: Night & Day qui a dit ok pour le sortir.

En 98, Soul Swing s’éloigne d’IAM alors?

Après le succès du “Mia”, on a fait une réunion, IAM a refusé de produire l’album du Soul Swing “parce qu’on était immatures”, là on a serré! Y’avait Malek (Freeman), tout le monde du Soul Swing réuni dans la même pièce et là on n’a pas compris. Avec Soul Swing, on s’est regardé et on s’est dit “Attendez, vous nous prenez pour des cons ou quoi? Pendant dix ans, on vous a soutenu, fait votre première partie, vous disiez aux labels que c’était vous qui nous signeriez”. La déception. Et c’est là que Freeman et Kephren décident de nous produire. A partir de ce moment là, on a tous tiré un trait sur notre relation avec IAM. Dès 98, sauf Faf et Def Bond, proche d’Akhenaton et Kheops.

Faf la Rage, lui, se rendait compte qu’il avait du potentiel, ça a certainement nourri sa motivation de faire une carrière solo par la suite. Je savais qu’on allait continuer à bosser ensemble par la suite. On a quand même sorti notre EP sans promo, mais on était reconnus par la scène. On jouait une à deux fois tous les weekends. C’était moi qui faisais le manager à l’époque jusqu’en 95! Skyrock refusait de nous diffuser car pour eux, on n’était pas assez commerciaux !

Cela ne t’a pas empêché de faire des tournées à l’international !

Dès les années 90, j’ai voulu jouer avec des musiciens, électro, Jazz, Rock. J’ai rencontré Steve Coleman qui était invité comme moi sur les albums de Magik Malik orchestra. Une expérience hallucinante, la musique m’a sorti du quartier mais elle m’a permis de découvrir la musique dans sa globalité. En 1995, je partais avec des groupes de Rock Milk Cut (USA) faire des tournées au Japon ou aux Etats Unis. Les mecs de mon groupe (Soul Swing) me disaient “tu trahis le Hip Hop !” (rires). Moi je me suis accaparé mon instrument, c’était de l’ordre de ma survie et surtout pour le bonheur de faire de la musique partout, qu’importe le genre dans lequel c’était! J’ai joué à New York avec les légendes Melle Mel, Kurtis Blow, Jam Master Jay (Run DMC) etc., j’ai joué à Chicago avec Dj Soon (de Carré Rouge), au Canada j’étais résident pendant des années où les marseillais étaient très appréciés. La première fois à Montréal, en 1999, c’était avec Faf La Rage.

Montreal 99 avec Faf la Rage

On a fait également des tournées à Bruxelles, De la Soul a fait notre première partie de Soul Swing! Un grand souvenir. On finissait le festival Dour. Ce soir là ça a été la folie. Un pur bonheur.

 DJ Rebel et Grand Wizzard Theodore, l’inventeur du Scratch – Concert à New York

Tu as beaucoup tourné en Afrique aussi?

Oui par la suite, J’ai beaucoup beaucoup œuvré en Afrique : Guinée, Guyane, Sénégal, Afrique du Sud, Algérie, Mali, Angola, Côte d’Ivoire, Congo, Mozambique. Par l’aide de l’A.M.I de la Friche, j’ai fait beaucoup d’ateliers de DJing dès 1996, pendant plus de dix-sept ans. J’étais par exemple intervenant dans la première école de DJ africaine, Dj School à Marrakech. On a formé des DJs là-bas avec DJ Samir, paix à son âme. On a organisé les premiers championnats du Maroc de DJ. J’ai eu comme élève Gee-Bays (du groupe Pee Fross), qui aujourd’hui forme des jeunes à Dakar. J’ai eu la chance de beaucoup voyager, Je suis depuis toujours dans la transmission, le partage depuis 30 ans.

Tu as participé par ailleurs activement à la compilation légendaire de “Chronique de Mars” orchestrée par Imhotep le beatmaker d’IAM par la suite?

Alors oui ”Chronique de Mars” c’était un très lourd collectif, énorme! On était 28 membres. Une partie d’IAM, Uptown, Soul Swing, Fonky Family, 3ème Oeil, le Carré rouge, le Venin, Sista Micky etc. y’avait quasiment la totalité de la scène Hip Hop marseillaise sur cet album là! Imhotep avait créé son label Kif Kif Records. Y’avait vraiment une osmose, une aura dans le Hip Hop marseillais à ce moment là. IAM, c’était devenu des leaders par la force des choses, par la promotion médiatique etc.  mais là on était ensemble, un collectif réel du Sud qui représentait tous ses membres. Et Imhotep a très bien saisi cette opportunité pour marquer le coup, de tous ces jeunes là qui étaient embarqués dans le même bateau, vraiment qui œuvraient pour la même histoire.

 Imhotep (IAM)

“Chronique de Mars” a certainement été l’un des plus beaux projets du rap marseillais. D’un point de vue artistique, “Chronique de Mars” c’était énorme, on enregistrait au Petit Mas, c’était la folie!

On a passé trois/quatre jours en enregistrement, on était tous au taquet. Les textes étaient écrits sur place, à fumer des joints en veux-tu en voilà, on jouait du matin au soir,  on avait des kilos de weed en poche! Tout “Chronique de Mars” s’est fait comme ça! Après le premier concert à Paris, on se retrouve sur scène à vingt-huit sur scène. On a foutu le bordel! C’était la folie! Les gens n’en revenaient pas. Vraiment une énergie! Un truc qui n’a jamais plus exister par la suite à Marseille mais qui à l‘époque à fait trembler toutes les Cités quoi ! C’était énorme, cette aventure de “Chronique de Mars”!

Après la sortie de l’album du “Soul Swing” tu es démarché pour jouer le rôle principal dans un long métrage Hip Hop “Freestyle” de Caroline Chomienne à Marseille, comment démarre cette aventure?

Une parisienne Caroline Chomienne débarque un jour à la Friche où j’animais des ateliers de DJing. A l’époque MC Solaar proposait chez nous des ateliers d’écriture et Imhotep des ateliers Beatmaking. Moi j’étais super méfiant de tout ce qui venait pas de Marseille. Et surtout de tout ce qui venait de Paris (Rires) et là, j’ai en face de moi une parisienne qui me dit “écoute c’est intéressant ce que vous faites, je suis réalisatrice je veux faire un film avec vous”. “Excuse-moi Non, moi c’est pas mon truc. T’es sympa, tu peux rester là dans un coin à observer si tu veux”.

Et elle est restée là, elle est venue me voir presque tous les jours pendant des mois! On est devenus potes. Il a fallu qu’elle devienne amie avec moi pour que ma confiance s’ouvre un petit peu plus. Et qu’on apprenne à se connaître. Elle voulait écrire à partir de ma vie, de l’aventure de Soul Swing aussi, elle écrit un premier scénario autour de ma vie, l’histoire d’un mauvais garçon de l’époque, de coureur de jupons et on travaille ensuite sur les dialogues avec Faf Larage, K. Rhyme le roi, Sista Micky qui rejoignent le casting. On ne voulait pas jouer notre propre rôle. Donc on a inventé ce groupe là. Mais ça reste quand même très proche de nous. Faf la rage faisait la bande son du film.

 Faf la Rage dans ‘Freestyle’ de Caroline Chomienne

C’est au même moment du succès de “Comme un aimant” réalisé par Akhenaton et Kamel Saleh en 2000, il y avait une vibe hip hop marseillaise dans le cinéma français! Une volonté de raconter des histoires hyper réalistes loin de Paris?

“Comme un aimant” est arrivé juste après le succès de “je danse le Mia”.

Notre motivation sur le projet de “Freestyle”, c’était la sincérité, qu’on ne mente pas et qu’on se rapproche au plus près de la réalité. Et c’est vrai que Caroline nous a pas mal aidé là-dessus, elle a apporté ce côté cinéma qui nous effrayait un petit peu. On se disait “on va être transformés, on va être manipulés”. Mais non, au final, nous, on apportait ce côté “Rue” qui lui faisait défaut. C’est vrai que le récit de ma vie à l’époque se retrouve dans les scènes du film, autour de ce que j’ai pu échanger avec Caroline.

Y’a aussi une scène très forte dans le film quand K. Rhyme le roi, fait un rap dans la cuisine en présence de sa mère

C’était important pour Caroline de mettre en avant cette génération là qui était les enfants d’immigrés. Comment nous nous étions accaparés le rap dans sa structure existentielle. Nos parents ne savaient pas lire, ne savaient pas écrire et il était important de voir cette femme dans la cuisine qui n’a pas pu aller à l’école, n’a aucune éducation et là, tu as son fils à côté d’elle, avec une feuille de papier et un stylo et qui écrit. C’est ce qu’essayait de mettre en avant ce film. On est pas que des racailles dans les quartiers, il y a cette culture là qui est le rap qui nous relie non seulement à la langue française, mais aussi avec notre pays, nos nouvelles racines. On s’est toujours considérés comme immigrés, de part le regard qu’avait la société sur nous.

 K. Rhyme le roi

Le film est rétrospectivement un sacré témoignage sur la scène Hip Hop marseillaise de 2000, on voit des freestylers Tony et Paco à Radio Grenouille, des Open Mic au Café Julien où on aperçoit dans la foule Keny Arkana toute jeune! Des scènes de Break dance avec Accrorap et une ambiance documentaire dans des scènes tournées dans les rues de Belsunce et Noailles.

Le film a été sélectionné au Festival de Cannes à l’Acid, une belle revanche!

Ouai, un jour Caroline nous dit, on va à Cannes la semaine prochaine (rires) le Off. Elle nous a trouvé une camionnette, on a dormi dans un petit appartement. Je me suis retrouvé à mixer de la funk old school toute la soirée. Nous on a kiffé mortel ! Disons, comme le disait IAM dans leur premier album, on a fait un Attentat! (rires)

 Sur le set de “Freestyle”

Le film est sorti en salles à l’UGC les Halles à Paris et en France, il a fait plein de festivals internationaux: New York, Milan, Fespaco, Stockolm etc.

On est partis à Milan, c’était extraordinaire, le film a été diffusé dans une structure associative, le COX 18, des anars, cocos de gauche, on est restés deux jours, c’était super, on a fait une scène moi et Sista Micky, c’était génial.

Tu as récemment rejoué dans un film marseillais “Merlich Merlich”, un court métrage réalisé par Hannil Ghilas, commet s’est passé cette aventure?

Moi je lis une histoire, un scénario, j’ai du mal à la visualiser, je me suis dit encore des parisiens! C’était le réalisateur Pascal Tessaud (Brooklyn) qui encadrait cet atelier cinéma associatif qui m’avait sollicité par l’intermédiaire de Yasmina Er Rafass (Directrice de production de « Merlich Merlich« ) de l’asso Kiff Kiff Art and Co. (Rires) Qu’est-ce que c’est ce bordel? J’ai déjà mis le doigt une fois c’est bon!  Et quand j’apprends que c’est un marseillais à la réalisation Hannil Ghilas et qu’il n’y a que des jeunes des quartiers dans l’équipe avec une petite structure derrière, je me suis dit pourquoi pas. J’ai fait des essais avec Pascal qui m’a donné des conseils pour m’accaparer à l’instant T une situation que j’avais oubliée il y a plus de vingt ans (le décès d’un parent) en improvisation.

 (Photo Cypher films)

Ce qui était intéressant, c’était l’introspection de la situation, quand j’étais sur “Freestyle”, je vivais la chose, je ne me concentrais pas sur le truc, alors que là on me demande de me plonger dans des souvenirs, dans des émotions intimes. Caroline avait pas du tout cette façon de travailler là. Nous, elle nous prenait au vif, mais là je lis ce truc là, c’est court, ça à l’air sympa, et j’aime bien les défis, je ne voyais pas du tout vers quoi on allait et à la fin, le tournage ça a été la régalade, j’ai bien kiffé, j’ai rencontré une équipe super, j’ai kiffé le truc.

 (Photo Ph’art et Balises)

Hannil Ghilas, le réalisateur désigné de “Merlich Merlich” et toute l’équipe du projet, ont  semble t-il été impressionnés par tes essais, tu peux nous en parler?

Je suis un comique moi, j’aime bien jouer, s’il y a d’autres propositions ça m’intéresse beaucoup. Lors de l’avant première au MUCEM, moi je m’en suis pris plein la gueule, j’avais la représentation de ce que je n’avais pas compris à la lecture du scénario, au tournage, on ne voit pas toutes les scènes. Le jour de la projection, ça a été une claque, de par la construction, l’avancée du scénario qui défile, toutes les scènes que je découvrais, ça a été un Bonheur. C‘est là que tu t’aperçois à la diffusion du film que j’étais au bon endroit au bon moment, avec les bonnes personnes et que c’était un bonheur de rencontrer les petits, tous les comédiens.

 l’équipe de Merlich Merlich au cinéma Alhambra (Photo Angélique Rollier)

Parle-nous de ta rencontre avec le jeune réalisateur Hannil Ghilas

Le jour où j’ai rencontré Hannil qui avait 18 ans, je lui ai dit “mais toi tu es le fils que j’aimerai avoir!” (rires) une connerie comme ça tu vois! Parce qu’il me racontait sa vie dans le Quartier (à la cité de la Castelanne), son père a à peu près le même âge que moi, on est de la même génération, donc ça m’a replongé dans mon adolescence, où j’étais moi aussi dans une rébellion dans laquelle je suis toujours, mais où je voulais mettre en avant les Quartiers Nord, les pauvres, le Hip Hop, la culture, “Peace, Love and Unity” et pas “je me fais des millions et j’avance pour servir le capital”.  Non, moi je voulais détruire le Capital. Sortir de cette merde là et partager, échanger avec tous les potes. Et retrouver cette solidarité commune qu’on a tous rencontrée dans les quartiers, dans les moments difficiles. Moi je me rappelle que j’offrais des queues de langoustes aux amis de mon quartier ! Où j’ai sorti de la prostitution des amis qui avaient besoin de bosser en les intégrant à mes affaires. Donc y’a tout ce côté social là qui était super important pour moi. Et quand j’ai échangé avec Hannil, je me suis retrouvé moi à son âge et voilà!  Moi il me régale parce qu’il a ce regard que j’avais pas forcément sur le cinéma, moi c’était plus la musique et franchement ce jeune c’est un bonheur. J’espère et je souhaite qu’il fasse plus tard des trucs extraordinaires. Vraiment.

 sur le tournage de “Merlich Merlich” (Photo Phar’t et Balises)

Il semble t’avoir surpris!

Il a une ambition de transmission et d’information qui dépasse toutes mes espérances concernant la jeune génération. Hannil, à l’âge qu’il a, a une maturité que certains d’entre nous ont acquis à 30 ans et pas avant. Hannil a une construction, ses parents ont du beaucoup œuvrer, ou il a traversé des grosses galères comme certains d’entre nous pour lui permettre d’accéder à la compréhension des situations qui fait qu’il a deux cases d’avance quoi! Il n’y a pas beaucoup de jeunes réalisateurs qui auront la chance à Marseille d’être portés comme ça dans l’avenir. Faut pas le lâcher, il faut l’accompagner pour qu’il puisse continuer à faire, à créer.

“Merlich Merlich” C’est quoi le message du film?

Ça me renvoie à mon enfance, je retiens l’amour, la solidarité, il y a de l’ordre de l’humain, quelque chose de très fort même si c’est comique et à travers la rigolade on fait passer des messages comme tel, c’est agréable de voir ce côté là. Moi je pensais justement qu’on allait dans le dramatique: “Quartiers Nord, décès, tout ça, la scène de la veillée”, c’est pas joyeux et à la fin en regardant au Mucem la réalisation finale, j’étais aux larmes, mais des larmes de joie et remplies d’émotion parce qu’on était sorti du cadre du drame habituel. Là j’étais dans une histoire à la fois hyper dramatique racontée avec une légèreté comique et c’était putain de bon!

Le film qui a la base est un atelier audiovisuel collectif de quinze apprentis scénaristes a obtenu un Grand prix à l’Urban film festival de Paris et sélectionné à Los Angeles, c’est incroyable!

C’est monstrueux ! J’ai été contacté de Paris par Solo d’Assassin qui était à la séance à Paris, il m’a appelé “Génial, on s’est régalés! On te voit pas assez quand on parle de Marseille etc.” C’était pas le seul de la génération des années 90 dans la salle à me contacter après. On m’a fait de bons retours. C’est très fort.

 (Photo Angélique Rollier)

Tu penses que “Merlich Merlich” va lancer un mouvement à Marseille pour voir émerger d’autres récits, d’autres histoires racontées par des jeunes passionnés de cinéma?

S’ils sont encadrés par des personnes qui s’investissent comme Pascal Tessaud l’a fait sur ce projet et pas forcément par des gens qui cherchent la gloire, je pense que l’Académie MOOVIDA a largement de quoi susciter de nouveaux talents, trouver et dénicher des perles à Marseille et toute la Région sud. Il est temps d’ouvrir les escoutilles et de dire “bon y’a pas que sur Paris qu’il y a des techniciens, des comédiens et des réalisateurs”. Non ! Il y en a aussi ailleurs. Marseille n’est pas plus authentique que Paris, les facultés à raconter des histoires de la bouche des marseillais sont énormissimes! y’a qu’à voir comment Fernandel et Raimu racontaient des histoires! On a cette faculté dans le Sud, on se la raconte un petit peu beaucoup (Sourire) mais à un moment donné, c’est parce qu’on a la capacité de se la raconter ! (Rires)

Il n’y en a pas beaucoup de films qui ont été tournés dans les Quartiers Nord par des Marseillais.

Trop peu. Quasiment pas. Il serait temps que Marseille s’ouvre à des marseillais quoi!

Chaque fois qu’il y a des films dans les Quartiers Nord, c’est que des clichés.

Tu peux nous parler de ton actualité?

J’espère reprendre les soirées prochainement, je me relance dans la production avec DJ PH avec qui j’ai produit des jeunes du projet mené par Yasmina Er Rafass au sein de l’association Kif Kif Art and Co, au Petit Mas. Tout est à l’arrêt avec la pandémie, mais j’espère reprendre des ateliers DJ, les soirées etc.

Un souvenir un peu fou de “Freestyle”?

Quinze jours avant le début du tournage, j‘achète un vélo Klein de descente et je me fracture un petit os au poignet! J’appelle Caroline et je lui dis “écoute ça va pas le faire, je peux pas être dans le tournage, je suis dans le plâtre pour 3/ 4 semaines.” (Rires) “Non non non! Hors de question qu’on annule, tout est prêt! On va quand même tourner”. “Mais je ne pourrais pas mixer, ça va pas être possible”. Je me suis rendu compte que j’avais très mal quand je mixais mais malgré la douleur, j’ai fait le film. Je kiffais les moments partagés avec mes potos et je kiffais cette expérience là. Du coup, j’ai oublié mon mal au poignet et j’ai commencé le tournage avec mon plâtre!

Le film “Freestyle” est accessible actuellement en VOD sur le site cinemutins : https://www.cinemutins.com/freestyle

DJ ReBeL :