iHH Magazine détaillé par son fondateur Yann Cherruault

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iHH Magazine détaillé par son fondateur Yann Cherruault

Peux-tu te présenter ?
Yann CHERRUAULT : J’ai toujours écouté toutes sortes de musiques depuis tout gamin, mais j’ai été happé par la culture hip-hop au début des années 80 avec un activisme qui a commencé au milieu de la décennie. J’ai pas mal taggué, et en parallèle à ça, j’ingurgitais presque tout le rap qui venait des USA ou d’Angleterre principalement. Ça m’a définitivement arrimé au hip-hop et à sa créativité sans bornes. Comme j’ai toujours kiffé la presse, mon pote Tarek Ben Yakhlef m’a fait rentrer dans le magazine pionnier 1-Tox au tout début des années 90. Je prenais beaucoup de photos de graffitis et j’ai commencé à y traiter du rap et à faire quelques interviews. Quand ce projet s’est arrêté en 1994, j’ai créé le fanzine gratuit The Truth (a.k.a. « Le Seul Magazine Qui Ne Soit Pas Vendu ») qui est sorti jusqu’en 1998. Parallèlement à ça, j’ai collaboré sous pseudo (Camorra Rouge, en binôme avec un autre gars aujourd’hui disparu) au mensuel R.E.R. avec un focus particulier sur les artistes indés. Quand le titre a été racheté, je suis passé avec une partie de l’équipe à L’Affiche qui venait de virer Olivier Cachin et tout le reste de l’équipe quand le magazine est passé sous les 3000 ventes… On s’est démenés plus d’un an sans budget pour remonter les ventes du titre qu’on a quitté quand les Éditions Larivière ont décidé d’en faire un titre pour ados qui a coulé peu de temps après. Au final, on les a amenés aux prud’hommes ce qui nous a permis, avec les indemnités conséquentes, de monter Digital Hip-Hop en 2002, le premier magazine hip-hop accompagné d’un DVD. En 2008, je prends seul la barre en m’appuyant sur la structure éditrice de The Truth et on rebaptise la nouvelle formule International Hip-Hop Magazine toujours avec un DVD. En 2014, on supprime le DVD, on divise le prix par deux et on double le nombre de pages. Voici venu iHH™ Magazine, dont le numéro 3 vient de sortir le 30 octobre dernier.

Peux-tu nous parler de iHH™ ?
Yann CHERRUAULT : C’est un bimestriel totalement indépendant de 100 pages, avec beaucoup d’interviews grand format, le plus de chroniques possible, de news, des dossiers, mais aussi du graffiti ou de la danse ou autres quand nos connexions nous permettent d’avoir des gens intéressants.

Quelle est la ligne directrice du iHH Magazine ?
Yann CHERRUAULT : On privilégie grandement la qualité et la créativité, quelle que soit la notoriété des artistes, peu importe qu’ils soient indépendants ou en major. Ça ne nous empêche pas de faire des interviews avec de très gros vendeurs afin de comprendre le phénomène et de mieux les connaître, autrement en tout cas que par les clichés que véhiculent tous les médias à leur égard. On essaye dès que possible de pousser vers le haut les artistes qui nous impressionnent, d’où qu’ils viennent et sans a priori sur leur style de rap.

Comment est financé iHH Magazine ?
Yann CHERRUAULT : On est un éditeur associatif totalement indépendant de tout milliardaire et de toute multinationale, comme c’est la grande vogue en France dans la presse et le web. On ne peut donc compter que sur nos fidèles et nombreux lecteurs, ainsi que sur des annonceurs bien inspirés qui mettent la main à la poche pour toucher un vaste lectorat de passionnés. Notre modèle associatif, sans aucune subvention à ce jour, nous permet de compter sur de très nombreuses bonnes volontés, adhérents ou potes, afin de réduire nos coûts et de continuer à nous développer.

Un site et un magazine… Pas trop difficile de gérer deux médias ?
Yann CHERRUAULT : Comme on n’est pas une armée, c’est vite l’usine à gaz et le moindre grain de sable dans la machine peut devenir une montagne. Heureusement, l’équipe s’enrichit constamment de nouveaux éléments avec de la motivation à revendre. Ça permet de tout prendre de front.

Quelle est la recette pour durer dans le temps (depuis 2008) ?
Y.C. : Si on remonte aux origines de iHH™, c’est même 1994 avec le fanzine gratuit The Truth. L’unique recette, c’est la passion, le seul carburant, c’est la vivacité constante de la scène hip-hop partout dans le monde. On en a vu passer des arrivistes aux dents longues, éditeurs ou journalistes, qui repartaient la queue entre les jambes quand ils ont opté pour des voies plus conformes à leur cupidité ou quand leur médiocrité intrinsèque n’a pas résisté aux crises cumulées des médias et de l’industrie musicale. Le milieu de la presse est un milieu de chacals, il ne faut surtout pas compter sur les soit disant confrères de la presse généraliste pour des coups de pouce quand tu restes droit dans tes bottes et que tu ne leur fais pas de lèche.

Depuis 2008, comment avez-vous vu évoluer le milieu du Hip-Hop ?
Y.C. : Il s’est totalement déstructuré. Désormais, il y a trois ou quatre publics différents qui ne s’intéressent absolument pas, voire méprisent, aux uns et aux autres. Tout ça est la conséquence d’une ligne musicale « officielle » dictée par les grosses fréquences FM associées à la télé et avec la complicité passive des maisons de disques. C’est le triomphe de la variété, de la bouillie prédigérée pour masses passives. Le plus navrant, c’est que les gros vendeurs surmédiatisés ne valent pas un clou alors que d’autres, s’ils étaient médiatisés à leurs juste valeur, rencontreraient également le succès. Mais ce n’est pas le cas, c’est la prime à la médiocrité et au nivellement par le bas. C’est vraiment loin des chemins balisés que l’on peut puiser de la qualité, heureusement encore en très grand nombre.

Quelles sont les prochaines dates pour iHH Magazine ? iHH™
Y.C. : Un nouveau numéro à partir de la mi-janvier 2016, la réédition en cassette de l’album classique de Sameer Ahmad (« Perdants Magnifiques ») dont on est les fiers coproducteurs, probablement des soirées et des concerts, et même un club du disque spécialisé en vinyles qui proposera des classiques à prix cassés afin de rendre les fondamentaux de la culture hip-hop accessibles au plus grand nombre.

Un petit mot sur Paris Tonkar ?
Y.C. : À l’origine, c’est le premier livre sur le graffiti en France sorti en 1991 et initié par mon vieux pote Tarek Ben Yakhlef. Depuis 2011, c’est un magazine trimestriel dédié au graffiti et au street art, appellation fourre-tout totalement dévoyée par les marchands d’art. On édite ça ensemble, tout en préparant la réédition du bouquin culte pour son 25e anniversaire ainsi qu’une nouvelle édition complétée et corrigée.

Quelque chose à rajouter ?
Y.C. : Le vrai hip-hop est loin d’être mort, il n’a pas été submergé par le déferlement de la soupe prétendument rap qu’on nous sert à la louche . La résistance est morcelée mais bien vivace. On ne se laissera pas abattre par le nombre de sorties merdiques, de traîtres ou de faux rebelles qui sabordent sciemment cette magnifique culture qu’ils ne considèrent que comme une vache à lait. Le succès croissant de iHH™ en est la preuve vivante, tout comme la vivacité de la scène indépendante. Le combat continue !

 

Le contenu du iHH™ #3 est disponible ici

Lien pour le site iHH™

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