Home Interviews Arts Urbains STREET YAZZ : Artiste sculpteur urbain et artiste en interview

STREET YAZZ : Artiste sculpteur urbain et artiste en interview

STREET YAZZ : Artiste sculpteur urbain et artiste en interview

 

Peux-tu te présenter ?
STREET YAZZ : Yazz Tailleur de pierre, marbrier, sculpteur depuis 24 ans, prof de sculpture depuis 14 ans. Fils, père, mari, citoyen du monde. Intéressé par toutes les formes d’art, la sociologie, la philosophie, la spiritualité et les relations humaines.

1450753_500843813364089_1533838074_n

Comment sont choisis tes personnages ?
STREET YAZZ : Beaucoup de musique dans ma vie, je suis quelqu’un d’auditif, l’éphémère de la vie, la foi, des êtres qui incarnent pleinement, des êtres en état de grâce. Voilà où je vais piocher mes personnages. Je serais incapable de reproduire un personnage célèbre que je n’aime pas, car pour ce faire je me remplis de sa musique, de ses images, de ses paroles, de ses vidéos. Les personnages imaginaires, c’est moi dans mon humeur.

Quels matériaux utilises-tu ?
STREET YAZZ : Pierre, marbre, argile, polystyrène, alginate, élastomère et résine. Le polystyrène et le silicone (pour mouler) sont des techniques que j’ai acquises pour les vitrines d’Eurodisney quand je bossais pour André Paradis (le père de Vanessa), mais ces techniques de moulage continuent à me servir pour sauvegarder mes réalisations en argile et entre autres en faire moult tirages en plâtre sans dépenser trop d’argent. Ainsi je peux les exposer sur les murs de la ville sans me ruiner.

Des techniques que tu aimerais utiliser ?
STREET YAZZ : Une technique qui demande à être plusieurs pour sa réalisation, le moulage d’un corps en entier. Un copain que j’ai rencontré en 2008 sur un symposium de sculpture Jason DeCaires Taylor, qui met ses sculptures sous l’eau, m’a invité cet été chez lui. J’ai pu voir et participer aux différentes étapes de cette pratique. Dés que j’aurai la structure nécessaire, je l’adapterais bien à des projets de rues.

Est-ce que tu essaies de faire passer un message, une émotion, en les faisant poser d’une certaine manière ?
STREET YAZZ : J’essaye de faire passer émotions et messages, j’essaie de ne pas être raide et symétrique dans la posture, mais en mouvement, vivant. Dans le processus de création il en est de même, je danse autour de mes sculptures, je me balance de droite à gauche et de haut en bas pour observer chaque modifications que j’opère sous un autre angle. Mais j’essaye surtout de plus en plus de ne pas trop en rajouter, que chacun puisse y mettre son émoi sans être guidé par un chemin à suivre.

Quel est le personnage dont tu es le plus fier ?
STREET YAZZ : Je ne suis fier d’aucun car je progresse tout le temps. Mais celui qui a démarré ma démarche street art et qui vraisemblablement plait, c’est « le pense muraille » : réfléchir sur les limites, les frontières, les murs qu’ils soient physiques ou intellectuels. Ça vient des années 80 où j’ai vu « The Wall » de Pink Floyd au cinéma. On est tous une pierre dans le mur et nous sommes constitués de ça. Quand j’ai pris en compte la réalité de l’art de rue, ça m’a jaillit au visage, enfin au conscient…mes personnages allaient sortir des murs.

Une personne que tu aimerais faire ?
STREET YAZZ : Je ne sais pas encore, il sera surement vieux ou vieille, marqué par la vie, dans une position qui traduit l’humilité, la sagesse, la précarité de la condition humaine…T’as quelqu’un pour moi ?
Sinon, des gens célèbres que j’admire, car il faut que j’admire pour crée…Nougaro, le seul personnage célèbre pour lequel j’ai pleuré quand il est mort, quelle tristesse cette vie amoureuse de la vie qui s’en va…dans le même ordre d’idée et physiquement très intéressant : Higelin, il est toujours vivant lui, et tellement vivant ! Une séance avec Jacques Higelin, posant comme il est, et moi avec ma terre, le pied ! Jacquot si tu m’entends !!

Qu’est ce qui te décide d’aller poser certaines œuvres dans la rue ?
STREET YAZZ : Il y a que c’est comme un cadeau que tu offres aux gens dans leur quotidien, tu fais ton p’tit trublion qui interpelle, tu partages. Une fois sur place la nuit il y a l’adrénaline qui se mélange à la concentration et au sang froid pour ne pas bâcler le truc.
Ce qui m’a décidé dans un premier temps à aller accrocher dans la rue, c’est JR, je l’ai découvert en 2008. La révélation ! Démarche magnifique ! Je ne faisais que très rarement des expos et je me suis rendu compte, avec lui et d’autres street artistes, que mes œuvres avaient besoin d’un décorum pour délivrer leur messages. Une salle communale ou autre lieu rectangulaire aux murs froids qui ne voient pas se dérouler la vie de tous les jours, les récupérations politiques, la reconnaissance d’une minorité pour acquérir les autorisations, le calendrier, rester toute une journée dans une pièce, et payer pour tout ça !! Non, la rue m’a vraiment amené une réponse à tout ce qui me freinait. Les cafés et lieux publics du quotidien c’est bien aussi. Ne soyons pas hypocrites non plus, je ne dirai pas non à une galerie, si je n’ai pas d’argent à avancer et que le contact passe bien, parce que pouvoir vivre de son art ça devrait être normal et que les galeries sont parmi les rares à pouvoir offrir ce luxe.

Comment réagissent les gens en voyant tes œuvres ?
STREET YAZZ : J’ai que des échos là dessus et pas beaucoup, j’ai déjà vu des jeunes se selfier avec, d’autres qui marchaient bien tranquillement et ont fait un bond en passant à coté, et d’autres qui observaient et que j’ai interpellé en disant que c’était de moi et qui m’ont félicité. Mais c’est rare car je pose en ville et j’habite à la cambrousse. Il m’est difficile d’y retourner et d’attendre, ça me manque un peu, mais tant pis, c’est comme une bouteille à la mer, je sais que des poissons vont tomber dessus.

Pas trop difficile que quelqu’un puisse la prendre ou la casser ?
STREET YAZZ : Ça me fait vraiment chier qu’ils ne laissent pas les autres en profiter, mais pour moi perso ça ne me touche pas. Ce qui compte c’est le partage et la beauté du geste, après qu’elles restent quelques heures, jours, mois ou années, je ne thésaurise pas.

Peux-tu nous faire un résumé de ton projet avec Kurt en 2013 ?
STREET YAZZ : Ahh Kurt ! Un résumé…c’est dur pour moi, tout est lié et les évènements dans le temps, les rencontres, la providence, les clins d’œil de la vie, tout s’enchevêtre pour moi. Mais bon on va essayer de faire Kourt. Kurt je l’ai rencontré en 2012, il est SDF depuis 30 ans. Il hébergeait une famille de sans papiers dans son squat, un SDF qui héberge des sans papiers, c’est fort ça. On s’est lié d’amitié et en 2013. J’ai moulé son visage avec de l’alginate dans la rue sur un bord de trottoir. J’ai décliné sont portrait, qui est une vraie carte routière avec des rides magnifiques, en tirage argile. Mais le vrai projet c’était de l’installer sur les murs de sa ville. J’ai donc moulé ses mains avec avant bras. Et il a trouvé le spot en plein centre ville pas loin de son adresse « horodateur 29 ». L’endroit est visible à hauteur d’homme et inaccessible pour les casseurs et les voleurs, mais je dois descendre en rappel avec une corde et un baudrier. Le truc c’est : son visage sur un mur de briques fissuré et ses bras qui écartent la fissure au niveau de son cœur, et au pied du mur coule une rivière.
Je suis un pierreux, les projets prennent du temps mais je suis forgé à ça et je ne laisse pas tomber. Ils s’étoffent aussi, Kurt va me mettre en relation avec d’autres SDF et habitants de la rue et on va installer leurs visages sur les murs de la ville. Ils font partie des murs, des murs extérieurs. Kurt est mon agent artistique, il me motive sur les projets, me trouve les spots et fait la com quand il fait la manche. On a tous les deux des problèmes avec les contraintes, mais les contraintes rendent créatifs, on le sait, celles que l’on se choisit.

Quelque chose à rajouter ?
STREET YAZZ : Dans une époque où tout ce qui est montré en modèle est d’être riche et célèbre, le street art est anonyme et gratos et ça aussi ça me botte bien. Je poche des fois mon ptit Yazz à coté de mes sculptures, mais je n’ai que exceptionnellement signé sur la sculpture. J’ai l’habitude d’argumenter en disant que ma sculpture est une signature à elle seule.

 

Page fb de STREET YAZZ : https://www.facebook.com/street.yazz

 

Crédits Photos sur Kurt : Frederic Grimaud

Quitter la version mobile
X