Charlotte Regnault directrice de la Galerie Nunc Paris – Interview

Charlotte Regnault directrice de la Galerie Nunc Paris (Interview)

Peux-tu te présenter…et nous expliquer ton parcours avant la galerie
CHARLOTTE REGNAULT : Je suis directrice de la GALERIE NUNC! au 3 rue d’Arras dans le 5ème arrondissement, une galerie spécialisée dans l’art urbain contemporain. Depuis mon plus jeune âge, je peins, dessine et sculpte ; c’est pourquoi je me suis très vite dirigée vers un lycée d’arts appliqués où j’ai rencontré des camarades graffeurs.  J’ai intégré des écoles d’art, Olivier de Serre puis l’école des Gobelins, en communication visuelle multimédia. Je créais des sites web et développais ma peinture en parallèle. Aussi, j’ai travaillé dans plusieurs agences de pub puis j’ai eu envie de monter des projets culturels, c’est là que j’ai intégré l’école de l’IESA (Institut d’Écoles Supérieures d’Art) spécialisée dans les métiers de la culture.

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Comment es-tu tombée dans l’univers du street art/graff ?
CHARLOTTE REGNAULT : Dès l’adolescence j’ai découvert ce milieu, j’ai commencé à acheter les magazines de hip hop et de graffiti dont « Radikal » ; une œuvre de MARKO93 m’a donné envie de comprendre cet univers et de m’en inspirer dans ma propre production artistique. Quand j’avais une quinzaine d’années, j’ai été embarqué par des artistes dans des lieux atypiques, à Paris et en banlieue pour marquer la ville, laisser une empreinte. C’était un terrain d’entraînement pour s’exprimer, montrer la plus belle création, le plus beau lettrage… J’ai très vite aimé regarder, chercher et découvrir de nouvelles techniques et de nouveaux artistes, en quête d’inspiration et de renouveau. La rue a été une belle expérience, c’est un univers et des codes qui me touchent énormément mais ce n’était pas vraiment fait pour moi, car j’ai toujours préféré peindre en atelier.

Comment t’es venue l’idée de travailler dans une galerie?
CHARLOTTE REGNAULT : J’ai monté avec une amie, Nathalie Boussinesq, un blog sur les vernissages d’art urbain « A p’Art ». Cela nous a permis d’être plus proche des artistes, des passionnés et des experts. Puis tout est une histoire de rencontre, car j’ai en effet fait la connaissance de Véronique Mesnager (experte et agent d’artistes), devenue ma mère spirituelle dans ce milieu. J’ai appris à la connaître, nous avions tellement de choses en communs que le feeling est passé tout de suite. Elle m’a présenté Didier Levallois, directeur des Editions Critères et des Galeries Nunc! C’était il y a un an maintenant, il m’a proposé de travailler en tant que responsable de la galerie Parisienne. J’ai dit oui tout de suite.

CHARLOTTE REGNAULT

Comment sont choisis les artistes ?
CHARLOTTE REGNAULT : Je les choisis en fonction du coup de cœur artistique. J’aime proposer au public des artistes qui me semble talentueux et qui pour moi n’ont pas suffisamment de visibilité. J’aime produire la première exposition solo d’un artiste. Il faut pouvoir varier, faire découvrir des artistes émergents, les exposer et les suivre. Le public est friand de nouveautés et de surprises. En général je les contacte, certains me sont présenté par des agents et pour la plupart se sont des gens que j’observe depuis longtemps, c’est souvent un réel bonheur de les exposer.

Quel est le plus dur pour préparer une expo ?
CHARLOTTE REGNAULT : Le plus dur c’est de miser sur une personne, et de ne pas savoir si cela va fonctionner. Même si à chaque exposition je suis persuadée de l’artiste et de sa réussite. Lorsqu’un choix est fait je mets tout en œuvre pour que ça marche. La difficulté est le retour du public. En amont rien est difficile, peut être juste la gestion du stress avant le vernissage. Mille questions se posent. Dès la première heure d’un vernissage il faut savoir laisser le public s’emparer des œuvres, le laisser se raconter des histoires, s’approprier le lieu. C’est comme une pièce de théâtre dont je suis la spectatrice. Les acteurs rentrent et l’histoire se joue, je suis là en tant que médiatrice et conseillère finalement dans ces événements. Et c’est à ce moment où c’est difficile de ne pas pouvoir agir sur tout, et de laisser agir la magie d’un vernissage.

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Des artistes que tu aimerais faire venir ?
CHARLOTTE REGNAULT : NEBAY, GRIS ONE ou LOKISS… Bon et dans mes rêves BANKSY bien sûr.

Quel est le profil des visiteurs ? Passionnés de street art à chaque fois ?
CHARLOTTE REGNAULT : Il y a bien sûr les passionnés et ceux qui découvrent. Et ceux aussi qui ne comprennent pas du tout ce que fait le street art ou le graffiti dans une galerie. C’est là que je raconte. J’explique tout simplement qu’il s’agit d’une autre démarche, le street art et le graff appartiennent à la rue, en galerie c’est un tout autre travail, celui de proposer un discours différent, un travail plus abouti, peut-être plus réfléchi.

10850206_740162702740115_2185009110499694288_nComment on se dit qu’une expo est réussie? Nombre de visiteurs? Retour positif de l’artiste ?
CHARLOTTE REGNAULT : A chaque fois, il y a de belles rencontres. La réussite d’une exposition est très difficile à comprendre, il n’y a pas de règles. C’est quand l’artiste se sent fier et heureux de sa création et que le public repart avec des étoiles dans les yeux (et avec son portefeuille vide, je rigole bien sûr) que l’on sent que c’est réussi. Quand la presse et les passionnés s’en mêlent c’est chouette, on se sent soutenu et encouragé.

 

La relation avec les artistes se passe bien ?
CHARLOTTE REGNAULT : C’est une des parties les plus intéressantes je trouve ! Il faut être à l’écoute, et pour comprendre les œuvres de l’artiste, connaître sa vie est très important. Il faut une confiance mutuelle et un feeling pour soutenir l’artiste. J’aime énormément ce travail de discussion, de suivi.  Aller dans les ateliers, sélectionner les œuvres, trouver des supports pour créer une exclusivité de produits pour l’exposition. Et le moment de l’accrochage est un moment privilégié avec l’artiste, qu’il puisse s’approprier l’espace, qu’il soit fier de la mise en valeur de son travail. Il y a bien sûr des discussions parfois survoltées mais finalement c’est un apprentissage de la vie en société et des relations humaines.

Des idées d’amélioration à venir ?
CHARLOTTE REGNAULT : Oui bien sûr, il faut sans cesse se renouveler ! C’est plus qu’un travail pour moi, c’est un investissement personnel. Je veux accentuer la communication, développer les événements hors les murs. Une galerie doit se réinventer, prouver qu’elle ne dort jamais et proposer de nouveaux concepts. Je voudrais relier plus encore les livres de la collection Opus Délits de Critères Éditions aux expositions et étendre les galeries de Paris et de Grenoble dans plusieurs autres villes de France et pourquoi pas ailleurs…

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Est-ce que tu vois le street art et le graffiti évoluer ces dernières années à ton niveau ?
CHARLOTTE REGNAULT : Oui tout à fait, tout est très différent aujourd’hui. Le monde du graff a beaucoup changé. J’en parlais récemment avec NASSYO et COSMOS, le monde du graffiti est un peu moins violent, même si ça reste un milieu très masculin, les codes se sont adoucis. Ce qui change c’est le regard des gens, ils commencent à comprendre que cette forme d’expression a sa place dans le milieu de l’art contemporain. Quelque part la rue est révélatrice, les acteurs du milieu de l’art ont un choix énorme et il suffit d’ouvrir les yeux pour que s’offre à nous une multitude de phrases, d’images intéressantes. Pour moi la rue est la télé réalité d’aujourd’hui. Tout n’est pas bon à prendre mais en cherchant un peu la chasse aux trésors est souvent fructueuse. Le graffiti a vraiment des choses à dire, depuis 40 ans maintenant, ces artistes ont un passé rempli d’histoire. Ils ont appréhendé la rue, ils sont suffisamment matures pour présenter leur travaux. Le street art c’est autre chose, c’est finalement plus récent, j’attends du renouveau et d’être surprise.

Comment t’es-tu retrouvée à préparer l’exposition à la FONDATION EDF ?CHARLOTTE REGNAULT
CHARLOTTE REGNAULT : C’est une histoire de rencontre avec le créateur de GRAFFART, Cédric Naimi, qui m’a proposé de travailler avec lui sur ce projet. Je n’ai pas hésité une seconde ! Montrer dans un tel lieu des artistes de toutes la France, faire une tournée et être dans un catalogue. C’était pour moi l’occasion de faire de nouvelles rencontres artistiques et de montrer au public le vivier important de la nouvelle vague de l’art urbain contemporain.

Comment on se sent quand on prépare une telle expo?
CHARLOTTE REGNAULT : On grandi tous les jours. Ça m’a appris énormément, comment appréhender un lieu aussi prestigieux que la fondation EDF, faire confiance aux équipes, écouter l’avis de chacun et exposer son point de vue. En somme c’est une belle expérience humaine.
Il y a eu quelques mois de préparation. La communication de GRAFFART et EDF collectivité a été très largement réalisée. 120 artistes se sont présentés, nous avons fait une présélection, puis la mise en place s’est faite assez sereinement, grâce à une bonne équipe, très soudée. J’ai principalement travaillé sur la scénographie et le montage de l’exposition. Et ça n’est pas fini ! Le Prix du Graffiti 2015 arrive. Nous le lancerons dans les prochaines semaines ! Avec un nouveau thème, un nouveau lieu, mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant, ça va être énorme !

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MG LA BOMBA

Quels sont tes prochains artistes ?
CHARLOTTE REGNAULT : Le planning est chargé ! Très prochainement, c’est l’artiste SOKLAK qui viendra à la galerie Nunc ! du 7 au 28 mars 2015, avec une performance lors du vernissage le samedi 7 mars entre 15h et 20h, avec le soutien de Posca. SOKLAK est un artiste touche à tout puisqu’il semble avoir plusieurs styles mais l’on reconnaît sa patte, et il fait aussi de la musique. Ensuite, nous accueillerons MG LA BOMBA pour sa 1ère exposition solo du 4 au 25 avril 2015, MG est un artiste à plusieurs casquettes puisque tout le monde a déjà  peut être vu son sigle, qui est une interprétation de la bombe de peinture personnifiée. Mais il a plusieurs univers à découvrir ! Au mois de mai j’expose NUNO DE MATOX, un artiste du sud de la France, il fait de l’écriture automatique et utilise une gamme de couleurs très flashy et très harmonieuse. Une dédicace du fameux LEVALET aura lieu le 30 mai 2015. Pour le mois de juin c’est WIRE qui investira la galerie, mais je ne le présente plus, c’est un talentueux graffeur, il est d’ailleurs arrivé à la troisième place du podium du concours de graffiti en 2014. Et enfin en juillet nous auront le jeune MUSH, pour une exposition à deux vernissages afin que les vacanciers aient le temps de venir le rencontrer.

Quelque chose à rajouter ?
CHARLOTTE REGNAULT : Longue vie à l’art urbain. N’arrêtez jamais d’embellir nos rues. J’aime croire que ça ne fait que continuer et que l’année 2015 sera une belle année pleine de créations. Je remercie tous les gens qui ont cru en cette galerie et en les artistes d’aujourd’hui !

 

Site de la GALERIE NUNC

Page Fb de la GALERIE NUNChttps://www.facebook.com/pages/NUNC-Paris/370981002991622

 

Crédits photos : Page fb de LA GALERIE NUNC

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