Sunu Street : Un projet de formation de danses urbaines au Sénégal (Interview)

SUNU STREET

Sunu Street : Un projet de formation de danses urbaines au Sénégal (Interview)

Peux tu te présenter :
SUNU STREET : Je suis Nach Van, danseuse urbaine KRUMP de Paris.
Ma rencontre avec la danse : le film Rize de David LaChappelle.
Une révélation !
Je travaille avec le chorégraphe Heddy Maalem (Création du spectacle Éloge du puissant Royaume) et avec la danseuse chorégraphe Bintou Dembele (Compagnie Rualité //création du spectacle Strates Quartet)
Et depuis l’été 2013, je suis une des créatrices du projet culturel Sunu Street, projet de valorisation des danses urbaines au Sénégal.

Peux tu nous expliquer ton projet.
SUNU STREET :

« Fini l’image apocalyptique de l’Afrique, continent en perdition et condamné ! C’est fini !
Nous, c’est une Afrique haute en couleurs et culturellement riche que nous connaissons. Le futur c’est aujourd’hui ! AFRICA IS THE PRESENT »

Sunu Street est né de la rencontre et de l’envie de trois danseuses. Naima Gaye, Khoudia Toure et moi-même.
Ce projet, c’est la création d’un lieu de rencontre pour les danseurs urbains au Sénégal. Nous nous sommes installé au Centre Culturel Régional Blaise Senghor dans le quartier de Fass.
On a retapé une salle d’exposition en salle de danse, avec tapis de sol, miroirs, système de sonorisation, la totale…tout le monde a mis la main à la pâte !
Aujourd’hui on y organise des formations professionnelles : formation de formateurs. Deux fois par an depuis deux ans maintenant.
Mais aussi des actions culturelles : projections, conférences, carte blanche de chorégraphes et de compagnies.
Nous ponctuons nos actions par des restitutions dans les quartiers ou dans des hauts lieux culturels à Dakar et en banlieue.
Nous avons découvert le besoin urgent au Sénégal, nécessaire et légitime, de développer l’art urbain, au nom des valeurs sociales, culturelles et pour la reconnaissance identitaire d’une jeunesse talentueuse, pour faire passer des messages non violents mais engagés, pour être le levier de communication de nos sociétés, pour pouvoir dépeindre positivement notre réalité.

A quoi servira la collecte ?
SUNU STREET : La collecte va justement nous permettre de financer la dernière formation qui a commencé le 27 juillet dernier. Les fonds récoltés vont permettre la prise en charge des intervenants formateurs, cette année c’est Romulad Brizolier (RAF) et Clara Bajado qui s’y collent durant deux mois. Il y a les frais artistiques et techniques liés à la restitution qui clôturera la session. Nous planifions aussi des activités pédagogiques, projections de films/documentaires sur les cultures hip-hop, historique de la musique et de la danse.
Et dans l’idéal on changera nos tapis de danse qui ont bien vécu !

Qui sont les membres de ce collectif « Sunu Street »?
Nous sommes donc trois femmes, trois danseuses urbaines à l’origine du projet.
Khoudia Toure, danseuse House et hip hop, qui vit à Dakar. Naima Gaye, danseuse House et hip hop, qui est sur Paris. Et moi même, Nach Van, danseuse de Krump qui est sur Paris également. Les trois mousquetaires !
Nous avons eu le privilège d’accueillir des danseurs géniaux et fins pédagogues qui ont formé les danseurs sur Dakar.
Romuald Brizolier, Joseph Go N’Guessan et Clara Bajado.
Nous avons la chance d’avoir avec nous le photographe Siaka Soppo Traore – Calo Yeleen Vison, qui immortalise les moments importants du projet.
Des nombreuses compagnies sont venues mettre de bonnes énergies dans notre salle et ont partagé leur univers avec nous. C’est là le cœur du projet et notre force. La Compagnie de Tishou Aminata Kane, Cie A part être. La compagnie Les Gens De. La compagnie Krump Roots Empire. La Swedish Family. La compagnie traditionnelle Afreekanam. La compagnie ArtTrack de Romuald Brizolier est venue présenter et organiser les Hip-Hop Games Concept ! Des chorégraphes sont aussi entrés dans la famille: Olivier Lefrançois en maître Hip-Hop, les danseuses/chorégraphes contemporaines Aida Colmenero Diaz et Diane Fardoun.
Et bien sûr dans ce collectif il y a le moteur du projet, tous ces danseurs urbains du Sénégal, du traditionnel au Hip-Hop, qui viennent s’entrainer à la salle Sunu Street, qui suivent les cartes blanches, les conférences, passent les auditions et participent aux formations.
Et pour n’oublier personne il y Françoise Empio, administratrice bénévole qui nous aide de Paris et deux stagiaires à Dakar qui nous accompagnent Mariam et Grace.
Il y a toutes ces personnes qui nous soutiennent !

Comment se développe la danse urbaine au Sénégal ?
SUNU STREET : Les danses urbaines et les cultures urbaines dans leur globalité font partie intégrante du paysage culturel sénégalais et cela depuis les années 80.
Le mouvement revendicatif pacifiste « Y’en a marre » crée en 2011 par des rappeurs et journalistes a été un moteur pour la reconnaissance des acteurs des cultures urbaines.
Il y a des associations sur place avec qui nous connectons et qui sont implantées depuis un moment à Dakar et dans sa banlieue : Africulturban, Guédiawaye Hip-Hop. Il y a des bloggeurs urbains: Wackart, le peuple sénégalais…
De plus en plus de compagnies Hip-Hop se développent : InDaHouse,  Danse Fé, Crazy Elements, Punisher Crew …
Ca bouge énormément dans ce pays qui est un véritable carrefour des cultures.

Comment vous es venu l’idée ?
SUNU STREET : En juin 2013, nous avons toute les trois été réunies à l’occasion de la venue du groupe RAF à Dakar pour la présentation de leur spectacle R.A.F City.
Le groupe a donné des ateliers Hip-Hop pendant toute une semaine au Centre Culturel Douta Seck. Un succès!
Les jeunes sont venus en masse et on s’est aperçu du haut niveau et de la niaque de bon nombre d’entre eux. Nous avons alors décidé de fédérer nos passions, nos énergies et nos savoir-faire pour valoriser la communauté Hip-Hop à Dakar, créer un espace de travail, créer un pont entre Paris et Dakar, stimuler les rencontres inspirantes et constructives, en gros danser et créer.
Nous nous sommes dit : Pourquoi ne pas se donner les moyens de réaliser nos rêves ? Une école de danses urbaines en Afrique !
Un lieu référent où l’information et la formation sont accessibles, et où on va de l’avant.
Des formations professionnelles pertinentes, apportant des outils techniques et pédagogiques.
Et puis de l’Art ! De la danse, des créations chorégraphiques de qualités à diffuser.

Peux tu nous parler de la vidéo de Christopher Tew
SUNU STREET : Nous avons rencontré Christopher Tew grâce au chorégraphe Heddy Maalem qui est passé à Dakar nous rencontrer et découvrir le projet.
Christopher est un photographe et vidéaste à l’œil énervé, à la vison originale, qui capture ce que la société à tendance à vouloir cacher et rejeter. Il vit à Londres.
Pierre Belleka, alias Dexter, est le danseur Krump qui est mis en scène dans la vidéo. A l’époque Dexter suivait la formation Sunu Street. C’est un danseur incroyable !
De cette rencontre est née une envie de faire une vidéo réunissant l’inspiration qui règne à Dakar, notre envie de créer, qui représenterait la richesse de points de vues divers et d’esthétiques différentes.
J’ai écrit ces quelques lignes sur la vidéo :

 » Cette réalisation est une pièce importante du puzzle, réunissant avec brio danse revendicative, musique psychédélique qui nous plonge dans cette urgence de vivre, libre, images brulantes de violence, de misère mais aussi de force et d’envie d’avenir, le tout dans une composition audacieuse.
Ces images que nous renvoient-elles, bavardes de symboliques et de questionnements, émerveillement devant l’énergie entière et la vérité d’un corps ?
Nous rendons hommage à l’Afrique contemporaine, entre urbanisme, créativité, développement, diversité, enthousiasme, coalition des cultures et des points de vues. Une Afrique où réside les plus folles espérances. »

 

 

Quelles difficultés rencontrées durant la réalisation de la vidéo?
SUNU STREET : Nous n’avons pas rencontré de réelles difficultés à faire la vidéo.
Dexter a été courageux. Ce n’est pas évident de danser et de courir comme un fou dans les rues de Dakar ! Les gens étaient curieux, ils s’arrêtaient pour regarder. Cela donne l’occasion de discuter et d’expliquer notre travail à la population.
Une difficulté positive a été de faire des choix parmi les nombreux paysages trésors de l’urbanité dakaroise. Nous voulions tout filmer ! La ville regorge de petites ruelles, de grands édifices, de vie et de couleurs, d’objets et gestes de la vie quotidienne sénégalaise. La ville de Dakar est dans la vidéo le second personnage, celui avec qui Dexter danse.

Quelles difficultés rencontrées pour réaliser le projet ?
SUNU STREET : Oui, on rencontre toujours des difficultés mais il ne faut pas s’y attarder. Il faut savoir avancer avec les contraintes. Que ce soit des contraintes financières, matérielles ou de relations humaines.
Il faut savoir prendre en compte le contexte du pays, contexte culturel, géopolitique et social. Il faut alors s’adapter aux pratiques.

Quel est le message principal de ce projet ?
SUNU STREET : Abattons les murs pour créer des ponts !

Quels sont les 1ers retours depuis que vous avez mis en marche le projet ?
SUNU STREET : On nous a remercié d’avoir crée ce pont entre danseurs Hip-Hop africains et danseurs Hip-Hop d’occident.
La mission est d’agrandir la famille, l’ouvrir au monde entier et d’en faire un collectif où les mots d’ordre sont rencontre, partage et création ! Nous avons été largement remerciées par les danseurs eux même.

Quelle place la danse africaine va avoir au milieu de ces danses urbaines ?
SUNU STREET : La danse traditionnelle africaine, celle du Sénégal en particulier, a déjà une place importante dans le projet. Elle est l’identité des danseurs urbains. Certains cultivent cette origine multiple dans leur gestuelle, d’autre non.
D’autres sont à la recherche d’un style Afro-Hip-Hop, ils le travaillent, l’affutent, pour qu’une gestuelle propre, énergique et harmonieuse voit le jour.
Il y a la danse mais aussi la musique, l’énergie, les rythmes, les habits, l’histoire…c’est d’une richesse inimaginable ! Tout fait sens.
Dans la formation un temps est dédié à l’enseignement des danses traditionnelles.

Quelles sont les prochaines dates de votre projet ?
SUNU STREET : Le 27 juillet 2015 dernier a eu lieu le début de la dernière formation de formateurs Sunu Street.
Le 12 septembre se déroulera la soirée de restitution que nous organisons après chaque session de formation.
En 2016 nous réfléchissons à une forme de création chorégraphique avec certains des danseurs que nous aimerions voir tourner en Afrique et en France.

Quelque chose à rajouter ?
SUNU STREET : Nio Far ! On est ensemble !
Et merci à ceux qui nous soutiennent et nous soutiendront !

 

Page facebook : https://fr-fr.facebook.com/sunustreetproject

Lien pour soutenir le projet sur kisskiss bankbank (fin 28 aout) : http://www.kisskissbankbank.com/sunu-street-formation-de-formateurs-en-danses-urbaines-au-senegal-urban-dance-professional-training-courses-in-senegal?ref=search

Site internet : https://sunustreetproject.wordpress.com/